Avortement à l'américaine.
Samedi 28 Mai 2022
Chacun, ou plutôt chacune sait que la Cour Suprême des Etats-Unis s’apprête à annuler le jugement pris en 1973 qui légalisait l’avortement au niveau fédéral. Elle prévoit par conséquent de laisser toute liberté aux Etats pour légiférer. À la date d’aujourd’hui 25 Etats conservateurs ont déjà produit leurs propres lois restreignant fortement le droit à l’avortement. Le plus drastique, l’Oklahoma, prévoit d’interdire l’avortement dès la conception arguant du fait que « l’âme est censée apparaitre à la fécondation ». Jugement fondé sur l’existence de l’âme, une notion très chrétienne sans fondement scientifique, ce qui fait dire à Margaret Atwood (1) dans un article « Demain une dictature religieuse » paru dans The Atlantic et traduit dans Courrier International n°1647 que « Ce qui est péché dans un cadre religieux précis est sur le point d’être érigé en infraction pour tous ». Pourtant le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis exige que le Congrès ne s’oppose jamais à une conviction religieuse et n’en oblige une particulière à personne. La Constitution des Etats Unis, tenue pour sacrée, dérive en partie du « Mayflower Compact », sorte d’embryon de constitution, signée par 41 pèlerins avant de débarquer à Cap Cod en le 11 novembre 1620. Aucune femme ne l’a signé ainsi que la moitié des hommes. Ces gens, des puritains fuyant les persécutions dans le royaume d’Angleterre, étaient bien résolus à former un état théocratique dans le Massachussetts en se fondant sur la bible pour gouverner. La tentative échouera lors du procès des sorcières de Salem (1692/1693), « roc sur lequel la théocratie s’est brisée » d’après l’historien George Lincoln Burr. Aujourd’hui certains états anti-avortement comme le Texas favorisent même la dénonciation à la justice d’une femme ayant avorté. Une arme redoutable dans les mains du conjoint lors d’un divorce lequel pourra toujours accuser son ex-femme, la faisant ainsi passer pour une meurtrière.
La Cour Suprême, par la voix de son président Samuel Alito, se réfère à une jurisprudence anglaise du XVII ème siècle et au fait que l’avortement n’apparait pas dans la Constitution ; laquelle ne s’intéresse pas du tout au corps reproducteur des femmes. Au XVIII ème siècle, selon le Washington Post, l’avortement était librement pratiqué, avec les risques inhérents, ce que ne pouvaient méconnaitre les Pères fondateurs signataires du Mayflower Compact. Aujourd’hui, le fort mécontentement d’une partie des Américains devant les excès de toutes natures attribués aux élites, au gouvernement, et surtout face à l’emprise des religions sur la vie privée comme sur la politique, fait craindre le pire c’est-à-dire au retour d’une théocratie ouvrant la porte à une guerre de religion moyenâgeuses. Fort heureusement les religions détestent la concurrence et ne pourront que s’entre dévorer ; en attendant pour que le bon sens, à défaut de Saint Esprit, s’impose dans la tête du peuple d’Amérique, prions comme aurait dit George W Bush Jr. (2)
Jean-Bernard Papi ©
(1) Margaret Atwood : romancière canadienne, son roman La servante écarlate, écrit en 1980 a connu un succès planétaire. En 1907 le docteur Duncan MacDougall se mit en tête de découvrir la masse de l’âme chez six mourants. Il obtint chez l’un d’eux une différence de 21 gr entre le vivant et la mort. Expérience jamais reproduite et classée dans les pseudos sciences.(Relaté par le New York Time mars 1907)
(2) Ajouté le 18/10/2022: Par bonheur les femmes de ce pays ne sont pas manchotes. Elles assurent un lobbying effréné pour que les femmes qui jusqu’à présent étaient apolitiques ou votaient un peu comme leur mari aillent voter et votent Démocrate, un parti qui a promis de rétablir le droit à l’avortement.
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