Le roi est mort.
Nous sommes en 2035 et la municipalité de Santos au Brésil est une fois de plus confrontée au problème posé par le caveau du roi Pelé.
Décédé en 2023, sa tombe à cette époque située au 14
ème étage du cimetière vertical de la ville, ne jurait pas par sa taille ou par l’impudence de ses décorations. C’était la sépulture tarabiscotée d’un roi ordinaire. Mais très rapidement des monceaux de fleurs et d’ex-voto la recouvrirent jusqu’à ce que l’on ne sache plus ce qu’il y avait dessous. Chaque jours et plusieurs fois dans la journée des visiteurs venaient s’y recueillir et y déposaient un bouquet, visite jamais discrète, en particulier lorsqu’il s’agissait d’hommes politiques. On en vint assez rapidement à lui affecter un jardinier chargé d’éliminer les végétaux fanés d’abord par la voie des bennes à ordures, puis par un compostage massif et enfin par une incinération pure et simple.
S’inspirant du sépulcre de Luis Mariano, autre roi mais de la chanson dont la tombe à Arcangues en France est fleurie été comme hiver depuis 1970, la municipalité de Santos décida de laisser libre court à la piété mais d’agrandir d’environ trois fois la surface dévolue au tombeau. Il fallut déménager les voisins et multiplier les jardiniers pendant que les boutiques de fleuristes, une douzaine, s’installaient au plus près du cimetière. Cet afflux de visiteurs n’était pas pour déplaire aux commerçants qui firent courir le bruit que le roi Pelé faisait des miracles en particulier dans la domaine footballistique. Ce ne fut plus qu’un défilé de futurs champions de toutes nationalités dont certains, criant au miracle après avoir marqué leur premier but, firent beaucoup pour l’image du futur saint. Car l’église, cette fois avait promptement réagi en faisant miroiter une proche béatification suivie, si les miracles se confirmaient d’une sanctification en bonne et due forme. Et la surface du tombeau dépassa celle d’un terrain de foot, l’équipe de jardinier fit les trois huit, une chapelle temporaire fut dressée et un restaurant populaire s’installa.
Tout aurait pu continuer ainsi sans incident, si, le 1
er avril 2033 une mafia locale flairant la bonne affaire auprès des Brésiliens amoureux de leur roi ne s’était emparée nuitamment du cadavre pour le découper en petits morceaux vendus dans des sachets de cellophane. Ce fut une ruée. Il s’en vendit tant que l’on aurait pu reconstituer plusieurs centaines de défunts. Tous les clubs de foot voulaient le leur et il était du meilleur chic d’en posséder dans une vitrine chez soi, voire dans son automobile ou au bureau. Suivant l’adage qui trop embrasse mal étreint, en 2034 la frénésie retomba. Les fleuristes firent faillite, le restaurant et la chapelle fermèrent, quelques cultes minoritaires s’accrochèrent malgré tout au cénotaphe espérant le retour du roi conformément aux dires de leur apocalypse...
Donc
en 2035 la municipalité de Santos au Brésil avait à statuer sur le destin de la tombe désormais vide du roi Pelé : fallait-t-il la convertir en un espace de promenade avec vue sur la mer ou la remplacer par une modeste stèle à la gloire des footballeurs défunts sans entraîner une révolution ?
Jean-Bernard Papi ©
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