Jean-Bernard Papi, romancier, essayiste, nouvelliste et poète

                                                La littérature est un art de combat.  

Marche ou grève.

Samedi 17 Février 2024
1 commentaire
Marche ou grève.
 
   Il existe en France un corps social où la grève est interdite, non seulement la grève y est interdite mais de prononcer et promouvoir le mot en public ou devant un quarteron de gradés peut vous conduire en cahuchette plus surement que chez la Madelon. Formé d’environ 206.000 militaires hommes et femmes dont 35.000 actifs en opérations extérieures, ils sont mal payés, nourris frugalement, habillés par l’Etat, encouragés à posséder deux métiers au sein de l’institution. Technicien dans la journée pour réparer et entretenir les matériels, un canon César, un avion Rafale ou un sous-marin s’usent comme n’importe quelle mécanique soumise à des contraintes de temps de guerre. Ils sont aussi soldats, doivent savoir se servir de leurs armes individuelles ou collectives comme les mitrailleuses, monter la garde le jour comme la nuit, faire des patrouilles, intercepter et neutraliser un individu hostile, le tuer si nécessaire, eh oui ! Leurs semaines ne sont jamais de 35 heures mais souvent du double ou presque. Quand on dépanne ou répare on décroche lorsque le travail est terminé, c’est particulièrement vrai sur les navires en mer. Le repos viendra après, si il vient, car il n’y a jamais assez d’hommes pour tout faire et les tableaux d’effectifs ne sont jamais remplis à 100%. Tableaux composés d’hommes, ou de femmes environ 15%, pour qui le retour au foyer attendra, il attendra même longtemps si comme les hommes elles partent en opérations extérieures (opex) pour trois mois ou plus.
  Comme l’action militaire ne s’arrête jamais, les week-ends, à Noël ou au jour de l’an, pendant les fortes chaleurs ou les grands froids, et même, -cela vous étonne - quand votre gamin a la rougeole ou tout autre maladie, vous serez de garde pour une nuit, voire d’une semaine coincé comme un prisonnier dans votre casernement à contempler la pluie qui tombe. Relisez Le désert des Tartares (1) vous comprendrez que la vie militaire n’est qu’une longue attente sans gloire mais toujours en se préparant au pire. Simplement on se dit que les gens, les Français et d’autres comptent sur vous pour arrêter un ennemi qu’il vienne de l’est ou du sud. Qui se souciera alors de votre peau ? Personne et vous le savez. Et pourtant vous serez là et vous combattrez parce que c’est votre travail et que finalement vous l’aimez malgré ses défauts.
  Dans le langage militaire, face au danger ou dans la retraite on se dit « marche ou crève » pour s’en sortir. À ne pas confondre avec le Marche ou Grève de la SNCF.
(1) Roman de Dino Buzzati.
 
Jean-Bernard Papi ©

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Commentaires :

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  • Gérard dit :
    29/2/2024 à 19h 22min

    Un texte court qui sent son vécu....je viens de lire "Céline, jusqu'au dernier jour.." Merci pour ce texte que j'ai découvert dans une boîte à livres du parc de Saintes. Le livre est dédicacé à un certain Dominique le 17 avril 2009. Bon courage à vous. Cordialement, G. Juan