Jean-Bernard Papi, romancier, essayiste, nouvelliste et poète

                                                La littérature est un art de combat.  

Tous des coulos !

Mercredi 4 Décembre 2024
Tous des coulos !
  Je croyais que le royaume d’Ubu se situait en France or voici que l’arrestation de Boualem Sansal le 16 novembre 2024 me fait découvrir une succursale du royaume en Algérie. L’Algérie je la connais bien pour en avoir parcouru les routes, pour l’essentiel en Oranie dans les années 1959 à 1962 (1). J’y avais des amis, chez les Pieds-noirs comme chez les autochtones, harkis, fermiers, nomades et surtout dans les familles qui avaient des filles. Je me souviens de Zohra, si délurée et libre à seize ans à peine, de Françoise Lopez si jolie, d’Aïcha qui voulait un enfant, des petites juives et de leur bar dans la citadelle de Tiaret. Riguett du commando Georges qui espérait visiter Paris un jour. Je n’en finirais pas de raconter, à Tiaret le Cha-cha club où l’on dansait le samedi soir même après le couvre-feu de minuit, à condition d’attendre jusqu’au lendemain six heures. Autant à Oran, le club rue d’Arzew d’où l’on entendait en 1962 entre deux flirts les explosions et coups de feu qui rythmaient les heures du dimanche après-midi, tantôt vers le siège de L’EDF, tantôt vers le port ou vers l’aéroport. Je me souviens de ces gens qui me demandaient ce qu’ils allaient devenir. Partir ou rester ? Je répondais invariablement vendez et partez, la métropole ne veut plus de vous, pour certains politicards vous êtes des parias.
  Quitter l’Algérie ? Pas facile. Près de l’aéroport militaire de La Sénia, dans un champ pratiquement sans eau ni toilettes s’entassaient dix mille candidats au départ définitif qui prenaient d’assaut les Boeings d’Air-France lesquels faisaient des rotations, l’un suivant l’autre, entre Paris et Oran. Pareil près du port où attendaient les bateaux ; « la valise ou le cercueil » leur disait-on pour les encourager dans les rangs du FLN et consort. Et à Marseille, le maire, Gaston Deferre, qui ne voulait pas de ces fugitifs et qui leur recommandait d’aller se faire pendre ailleurs. Tous de riches colons ? Mais non, des artisans, des petits commerçants, des fermiers, des gens simples avec un accent je ne vous dis pas, les Bouzereau instituteurs et leur fille Gisèle à Oran, les Pérez peintre en bâtiment à Tiaret et d’autres, épiciers, employés, à Ain Sefra, à Saïda, à Bel- Abbes, qui avaient fait de ce pays en 130 ans un exportateur de céréales et de fruits ; qui avaient asséché les marais de Bouffarik, près d’Alger, éradiqué la malaria et le choléra pour en faire des jardins et des vergers.
  Alors quand j’entends les algériens condamner Sansal pour avoir parlé trop légèrement du « sol sacré de la patrie algérienne » je me marre. Quel sol ? Et je lui dis tiens bon Boualem tu es du bon côté, ta rente elle est dans ton intelligence et pas dans le pétrole. Là-bas ? tous des coulos !
Jean-Bernard Papi ©
(1) Je ne peux m’empêcher de vous conseiller mon livre La Chanson de Rosalie et sa partie Algérie, ainsi que ceux d’Albert Camus et pour rire et sourire Le Macho de Daniel Saint-Hamont.

 
 
 

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