Kama Soutra

 
 
 
- Est-ce que tu sens quelque chose là ?
- Non Domi, qu’est-ce que je devrais sentir ?
- Ben je ne sais pas Gisèle. Un viol c’est forcément douloureux…
- Ben non. Je ne sens rien. Bouge un peu pour voir ?
- Comme ça ?
- Parce que tu as bougé ?
- Ben oui, et pas qu’un peu.
- C’est toujours rien. Mets de la musique ? La musique en général me stimule.
- Je n’ai qu’un disque de la Garde Républicaine. C’est pas terrible comme stimulant amoureux.
- Bon Domi, il faut sortir de là. Reprenons une à une les soixante-quatre positions du Kama Soutra. Il y en aura forcément au moins une qui déclenchera une sensation positive, dans le sens de l’expérience.
- À nos âges et passé la retraite, est-ce bien prudent ? Et puis c’est un viol, ne l’oublie pas, ma chère Gisèle, on n’a pas l’éternité devant nous ; faut faire ça en vitesse. D’après une étude américaine on ne viole que 3% de sexagénaires et plus, c’est ton cas. Ou elles ne se laissent pas faire, ou bien elles n’inspirent pas le désir. Les violeurs, toujours d’après l’étude ne s’intéressent qu’aux femmes trentenaires et quadragénaires, en âge de procréer si on va par là... Et si je te frappais ? Comme Sade le préconise, ou comme dans l’histoire d’O ?
- Essaie pour voir et tu auras mon poing dans la figure, malappris qui me rappelle sans arrêt mon âge. Si c’est le pouvoir sur moi que tu veux, monstre phallocrate et sexiste tu n’auras rien. Les copines ont bien raison de ne voir chez l’homme qu’abjection et brutalité. Tu me dégoute.
- Bon, ça va comme ça, laissons tomber, allons plutôt boire une tisane…
 
Jean-Bernard Papi. ©
 
 PS: L'illustration accompagnant ce texte est un bas-relief romain en marbre figurant une fête appelée Bacchanale ou Dionysiaque. (Cabinet secret du musée royale de Naples.)
 
 
 

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