Par bonheur beaucoup de fellaghas, à l’image de Jeanne la Pucelle, préférèrent parler avant de subir la gégène, une génératrice de courant alternatif utilisée pour faire fonctionner les postes radio dans le bled, avaler du Mir ou se faire emballer dans une peau de cochon. Certains préféraient d’ailleurs passer du côté de l’armée française avec armes, bagages et informations. Cas des unités de ralliés, "commando Georges" par exemple. Impardonnables par contre furent les exécutions sommaires qui ne sont que des actes criminels que rien n’excuse, pas même la barbarie.
Si les militaires sont censés n’obéir qu’au pouvoir civil légal, encore faut-il que celui–ci se manifeste au sens noble du terme et exerce ses prérogatives, même si l’opprobre de l’histoire doit au final entacher la carrière d’un représentant du peuple. En n’encadrant pas les actes militaires par la loi, le gouvernement d’alors laissa certains centurions se fourvoyer dans des actes de
basse justice dont le pays à honte aujourd’hui. Quelques-uns par un singulier acte d’indiscipline dénoncèrent ces pratiques. Ainsi le général Paris la Bollardières dans l’Express du 27 avril 1957 refusait de « perdre de vue sous le fallacieux prétexte d’efficacité immédiate les valeurs morales qui seules ont fait la grandeur de notre civilisation et de notre armée ».
Plus tard, l’armée française s’interrogera, dans le cas où le pays serait envahi par les troupes du pacte de Varsovie, sur le nombre d’unités de l’armée de terre et de bases aériennes de l’Est du pays qu’il faudra sacrifier, hommes et matériels, avant que la nation accepte de prendre les armes. Nous n’en sommes plus là, mais rien n’empêche d’y réfléchir. Aujourd’hui ce sont les USA qui se posent, plus ou moins ouvertement, la question de la torture face au terrorisme. Gageons que, en références aux fameux impératifs hypothétiques cités plus haut, ils referont surgir, en Afghanistan ou ailleurs, le spectre noir de la torture et des éliminations discrètes.
Peut-on leur en vouloir ? Doit-on les condamner ? Il semble bien que la torture, au même titre que le napalm, les bombes à fragmentation ou au phosphore, les missiles de croisière, les drones, les appareils de vision nocturne ou l’hélicoptère de combat, figure peu ou prou dans l’équipement militaire contemporain. Mais dans ce cas il faut que le pouvoir civil se mouille et surveille la chose de très près, c’est aux élus de dire jusqu’où il ne faut pas aller. Ensuite on pourra se scandaliser !
(1) Voir les pages précédentes.
Jean-Bernard Papi ©