Jean-Bernard Papi, romancier, essayiste, nouvelliste et poète

                                                La littérature est un art de combat.  
                                La France  Le 10 mai 1940. Etat des lieux.
 

 
   Au matin du 10 mai 1940 nos armées réparties en 3 Groupes d’Armées (GA) sous les ordres du général de Corps d'Armée Georges, étaient ainsi disposés :
- A ou Groupe d’armée n°1 : sous les ordres du g
énéral Billotte. De la mer du Nord à la frontière suisse.  Comprenait :
- La 7ème armée (Gén. Giraud) : 2 divisions d’infanterie motorisée, 1 div ; légère mécanisée, 1 div première réserve, 1 div. D’active. (la 7ème armée était prévue pour intervenir en Belgique).
- Le corps expéditionnaire britannique (Gén. Gort) Comprenait 10 div. (250000 hommes)
- La
1ère armée (Gén. Blanchard) : 3 div. d’Afrique, 2 div. légère mécanisées, 1 div. De réserve.
- La 9ème armée (Gén. Corap) 2 div.de cavalerie, 1 div. d’active,2 div. de deuxième réserve, 1 brigade de spahis.
Derrière la 
1ère et 9ème armée une masse de manœuvre de 3 div. cuirassées (Chars de combat), 2 div. d’active, 3 div. d’infanterie.
- 2ème armée (Gén. Huntziger) en partie sur la ligne Maginot, 2 div. infanterie, 1 brigade de cavalerie, 2 div. d’active, 1 div. 1ère réserve, 1 div. 2ème réserve. En réserve : 1 div. d’active, 1 div. motorisée.
 
- B ou Groupe d’armée n°2. Sous les ordres du général Prételat : échelonné de Longwy à Sélestat. Comprenait :
- La 3ème armée. (Gén. Condé), 2 div d’infanterie d’active, 6 div de 1ère réserve, 2 div de 2ème réserve.
- La 4ème armée (Gén. Réquin) 2 div d’active, 1 de 1ère réserve, 1 de 2ème réserve.
- La 5ème armée (Gén. Bourret) X div de forteresse de la ligne Maginot, 2 div d’active, 1 de 1ère réserve, 1 de 2ème réserve. En seconde position : 2 div d’active, 1 de 1ère réserve.
 
- C ou Groupe d’armée n°3 : Sous les ordres du général Besson. Extrême droite des armées française. Comprenait :
- La 8ème  armée (Gén. Garchery) du nord de Sélestat à Montbéliard. Troupes de forteresse, 3 div d’active, 4 div de 2ème réserve, 1 brigade de spahis.
À l’arrière : 3 div de 1ère réserve, 3 div d’active en renfort de l’armée des Alpes (Gén. Obry)
 
  Au total : Georges dispose de 102 divisions d’infanterie dont 10 britanniques et 1 polonaise (1). L’Allemagne en aligne 190.
   Monsieur Albert Lebrun était présient de la république ; Paul Reynaud président du conseil ; Daladier ministre de la guerre, de l’armement, du quai d’Orsay ; le général Maurice Gamelin était chef d’état-major. Le général Georges coiffait les trois Groupes d’armées, Bineau était Major général des armées (logistique et services) remplacé début 1940 par Doumenc. Vuillemin  était chef d’état-major de l’armée de l’air, Darlan chef d’état-major de la marine. 
Entre Gamelin et Georges le courant de passe pas, en outre les modifications successives d'implantation du Grand Quartier général(GQG) commun à Georges et Gamelin créent confusion et impuissance, en outre ces stratèges ne communiquaient que très peu entre eux. Les politiques et les militaires n’avaient pas su tirer les leçons stratégiques et tactiques des invasions successives des soldats Allemands en Pologne et Tchécoslovaquie. La France éternelle avait décrété qu’elle était invincible et qu'elle possédait la meilleure armée du monde. Succinctement dressé, cet état des lieux montre que le pays s’est placé en position de défense (depuis 1930) en comptant essentiellement, comme en 1914, sur la masse humaine de l’infanterie. Dans ce descriptif ont été exclues les troupe de l’arrière, territoriaux et autres réservistes. 
 
   Le 10 mai le meilleurs de nos armées -la 7ème, la
1ère ainsi que le corps expéditionnaire britannique- fonçe en Belgique envahie depuis 5 heures du matin. Ils devaient se positionner à Anvers suivant un projet de défense (plan Dyle qui succédait au plan Escaut) qu’Hitler a qualifié de « duperie » ; une folie voulue par Gamelin sans pour autant que les gouvernements Belges et Hollandais aient signé des accords avec la France en ce sens. Le Haut état-major français était persuadé d’une entrée allemande massive par la Belgique, pendant ce temps leurs forces traversaient les Ardennes autour de Sedan, ce que l’état-major français estimait impossible par méconnaissance des moyens militaires ennemis. On rencontre là ce que le sociologue Gérald Bronner appelle "acter une croyance". Attitude courante : On ne croit pas à la percée allemande à Sedan, donc on ne protège pas la zone. Selon la tactique allemande, l’aviation attaque en masse suivie par les chars et l’artillerie ce qui oblige à la « rupture » de l’adversaire tandis que l’infanterie rapidement transportée occupe le terrain ainsi dégagé. Les fantassins français, eux, allaient à pied, de nuit ou par le train quand ils roulaient. Selon Gamelin, la Pologne lorsqu’elle fut attaquée allait tenir 6 mois ce qui devait permettre d’accélérer nos préparatifs, matériels et défense. Elle tiendra 3 semaines. Il espérait 2 millions d’hommes de la part des britanniques, ils seront 200.000 !
  Face aux Stukas Ju87 (ci-joint) l’armée de l’air française, dont les avions étaient répartis entre les armées, était d’une faiblesse honteuse, au bout de trois jours de bataille la 9ème armée, par exemple, ne possédait plus que 3 avions en état de voler.(2) Pour les blindés ce n’était guère mieux. L’Allemagne disposait de 6000 à 7000 engins blindés et en gros 16 divisions de panzers (chars de combat). En face les 3 divisions blindée françaises (dites cuirassées) disposaient au total de 450 chars lourds et légers.  La 3ème div. blindée avec 136 chars tint pourtant pendant 14 jours face aux allemands ; les chasseurs du 16ème  bataillon de 1.100 hommes au début des combats n’étaient plus que 80 le 16 juin.
   Le 10 mai, les défenses, champ de rails, maisons fortes et blockhaus, au long de la Meuse ( lieu de la percée allemande) n’étaient pas terminées. Par exemple, les fossés antichars avaient été creusés de part et d’autre des routes, mais celles-ci n’avaient pas été détruites ce qui permit aux chars ennemis de s’enfoncer plus avant sans rencontrer d'obstacles. On avait fait sauter les ponts sur la Meuse sauf 1, (en Belgique ce fut exécuté trop tard), les fantassins allemands franchirent également le fleuve par des écluses ou en radeaux pneumatiques et dressèrent des ponts de fortune pour leurs panzers. Sur certains passages du fleuve, comme les écluses, les troupes françaises de la 9ème armée s’étaient positionnées trop loin pour une garde efficace. En outre les hommes   (de la 2ème et 9ème armée)
qui subirent les attaques, étaient pour la plupart des réservistes, vieux « crocodiles » père de famille de quarante ans, qui n’avaient subi que peu d’instruction et qui étaient armés du fusil Lebel 1886 modifié 1893.
    La presque totalité de ces hommes se trouva démoralisées par les bombardements incessants de l’aviation allemande, peu inquiétée, et bombardés souvent sur leurs arrières. L’absence de la chasse française était manifeste et la DCA trop faible pour créer un réel problème aux Stukas, le Gén. Corap (Cdt la 9ème armée) réclama 45 batteries de DCA, il en reçut 3. Surpris par le déferlement des panzers, les armées françaises ne possédaient que des canons anti-char vétustes et rares étaient les canons antichar 47 modèle 1937/38 modernes. Idem pour les mines antichar, le Gén. Huntziger (Cdt la 2
ème armée) en réclama 10.000 il en reçut 200. Les munitions de petits calibres étaient rationnées et les camions des transmissions (exemple de la 238ème DLT) étaient en très mauvais état. Pour transmettre les radios français utilisait un chiffrement, les allemands travaillaient en clair et connaissant nos fréquences allaient jusqu’à donner des ordres à nos commandants d'unité …
  Le gouvernement eut beau remplacer les généraux en poste, dont Gamelin par Weygand, la défaite fut consommée en quelques jours. 
   Le 20 mai, le Général Corap (9
ème  armée) fut accusé publiquement par Paul Reynaud d’avoir failli. Le 21 mai une commission d’enquête fut créée sous les ordres du Général Duffieux qui porta sa prospection principalement sur le rôle de la 9ème armée, plus tard elle innocenta Corap.  Le 28 mai le même Paul Reynaud, à la radio, accusa le roi des belges, Léopold III d’avoir trahi. On se dédouane comme on peut.
Jean-Bernard Papi ©

 Glossaire :
Gén. : Général.
Div : division. Soit 17.000 hommes environ.
Armée : 200.000 hommes environ.
Régiment : 3.000 hommes environ.
(1) 20 divisions françaises étaient affectées à l’armée d’Orient.
(2)Ci-dessous un copier-coller d'un paragraphe de Wikipédia concernant les avions français au début de la guerre :
 "L'armée de l'air (Française) envoie une délégation au meeting de Zürich, en juillet 1937, avec ses meilleurs chasseurs les Dewoitine 500, 501 et 510. L'épreuve du circuit des Alpes est une débâcle. Le Messerschmitt Bf109V8 vole à une moyenne de 388 km/h, les Avia B.534 de 370 à 360 km/h, le bombardier Dornier Do 17M V1 de 368 km/h ;  le meilleur français atteint 321 km/h... L'évènement est vécue comme une humiliation par les aviateurs, certains généraux dans le déni parlent d'une "hallucination collective" de leur part. Le meilleur chasseur français, en service depuis à peine deux ans, se révèle incapable de rattraper (et d'intercepter) les chasseurs et même les bombardiers allemands, voire même les avions des puissances (Etats) secondaires."
  Le Messerschmitt Bf 109(ci contre) souligne le retard technique et les pesanteurs de 
l'aviation française. Cet avion, issu d'un concours de juin 1934, fut en service dans la luftwaffe dès 1937. En mai 1940 le Morane Saulnier MS 406 surnommé "le meilleur chasseur du monde" se trouve radicalement dépassé face aux avions allemands aux performances supérieures (vitesse-altitude-puissance de feu).  

Jean-Bernard Papi. 

                                                                                                                     
                                                                                                                                                        Messerschmitt Bf 109                     
Bibliographie :
- Henri Amouroux : Le Peuple du désastre. La grande histoire des Français sous l'occupation. édit. France Loisir.
 - Eric de Fleurian : Parcours de guerre de la 82° Division d'infanterie d'Afrique. 
- Paul Allard : La vérité sur l'affaire Corap. Editions de France 1941
- Albert Tirtiaux : La "Trahison" du roi des Belges.1941
- Wikipédia.