L’institutrice. (1ère partie)
Rien n'est plus terrifiant, et parfois humiliant pour un homme, que de pénétrer sans y être préparé, dans l'intimité de sa mère. Découvrir la femme, la femelle, alors que l'on chérit au fond de soi la sainte, la blanche colombe, l’élue de son cœur. Pour certains hommes, et pour des raisons confuses qui tiennent à l’éducation, la mère n’est qu’une servante. Ce que relèvent et combattent avec virulence les féministes. Sainte ou servante, pour un fils, sa mère est dépourvue d’exubérance sexuelle et de jouissance visible. Il sait bien qu’elle l’a fabriqué mais cela s’arrête là. Immaculée conception. Bref, la mère n’est pas une femme comme les autres. Peter allait découvrir que derrière son apparence conventionnelle d’institutrice se cachait un être de chair dominé par une sensualité brûlante et sans tabous.
Elle, Céline, sa mère donc, venait de mourir dans sa quarante cinquième année, un accident de la route. À trop grande vitesse, elle avait percuté un camion chargé de billes de bois qui avait débouché d'un petit chemin forestier sur sa droite. C'était dans la forêt des Landes, à plusieurs kilomètres du plus proche village, elle roulait toujours vite, très vite. Il le lui avait reproché cent fois. Dans le coma, elle avait lutté contre la mort durant plusieurs jours mais la Faucheuse avait eu le dernier mot. Pendant un temps, il avait cru qu'en arrivant plus tôt à l’hôpital il aurait pu la sortir du coma, la tirer à lui pour l'arracher à la mort. Vanité. Il travaillait à Londres et avait été prévenu tard par la police. Après l'enterrement et après avoir jeté ce qu'il y avait dans le réfrigérateur, faute de courage pour affronter ses souvenirs, et le fantôme de cette femme, il avait laissé l'appartement en l'état tout l'hiver. Au printemps tout de même, les souffrances les plus criantes s'étant atténuées, il s'est introduit, presque comme un voleur, dans le logis qui l'avait vu, en partie, grandir. Tous les deux étaient venus l'habiter après qu’elle eut divorcé, quand il avait trois ans à peine. Elle était alors une institutrice débutante et l’école maternelle du quartier fut son premier poste. Montée en grade elle avait eu en charge, durant de nombreuses années, la classe des « grands » qu’elle préparait pour le collège.
Son premier soin fut d'aérer copieusement. Cet appartement trop grand pour une femme seule l’était plus encore pour lui et son peu de bagage. Les trois chambres, les deux salles de bain, le bureau, le salon, la salle à manger, une véranda, une terrasse qui donnait sur un jardin public constituaient pour lui encore maintenant, un merveilleux dédale qui exigeait cependant un entretien fastidieux et coûteux. Elle voulait avoir ses aises, disait-elle. Ce qui le frappa tout de suite, une fois les fenêtres ouvertes sur un soleil de printemps, fut la photo. Une photo d’elle en pied, dans un format inusuel de quarante centimètres de haut par quinze de large. Cette photo était accrochée dans son bureau, entre les deux bibliothèques et face à sa table de travail. Il n’avait que très peu de photos de sa mère et tout de suite il pensa que celle-ci serait à sa place chez lui, à Londres. La photographie était comme ensoleillée, illuminée par l'intense lumière du matin qui provenait d’une fenêtre habituellement masquée par d’épais rideaux. Sa mère aimait travailler de jour comme de nuit avec l’éclairage électrique qu’elle disait plus pratique pour se concentrer. Les rideaux en question avaient disparu, probablement au nettoyage et il n’avait pas l’intention d’aller les chercher pour les remettre à leur place. Jusqu’à présent faute d’éclairage favorable, et d’intérêt, il n'avait pas remarqué, et observé, cette photographie. Il fallait qu'elle soit morte pour qu'il le fasse. À l’époque où elle fut prise, elle devait avoir une trentaine d’années. Sa robe, d'un bleu léger et aérien était quasi transparente et sous la lumière naturelle qui tombait de biais ses seins menus étaient si visibles qu'on en distinguait nettement l'aréole. Ses cheveux naturellement roux coulaient sur ses épaules et son intense regard bleu, son sourire radieux, étaient comme des bras tendus vers le photographe. Il ne se souvenait pas du photographe, il ne se souvenait d’aucun homme qui aurait pu la rendre si heureuse, encore que ce mot soit bien faible. La photo montrait, volontairement ou non, ce que la robe qu'elle déployait d'un geste ravi autour de ses hanches, était censée cacher. Après un examen attentif il en conclut que sa mère, ce jour-là ne portait pas de sous-vêtements. En d’autres termes elle était nue sous sa robe. À poil !
Après le collège et la seconde, il avait vécu presque toujours avec son père, au moins durant les nombreuses années de ses études, ne revenant ici que pour les vacances. Il avait fait, après l’obtention de ses diplômes, de longs voyages qui l’avaient tenu éloigné un peu plus de sa mère et, aujourd’hui il ignorait presque tout de sa vie. Sauf qu’elle ne s’était pas remariée. Quand il passait quelques jours auprès d’elle, elle lui consacrait tout son temps et ne recevait aucun appel téléphonique et n’avait aucun rendez-vous, ce qui ne voulait rien dire. Sur la photo il n’y avait ni date, ni indication de lieu ou de signature. Rien qu’elle à poil, ou quasiment dans un jardin avec un gros arbre au loin. Pratiquait-elle le naturisme ? Il n’en savait rien. Il admit que comme femme elle était particulièrement bien faite, d’après ce qu’il en voyait. Mais pourquoi cette photo, que signifiait-elle ? Par qui avait-elle été prise ? Peut-être une fantaisie de sa part. Il devina que cette photo, dont le cadre et la vitre avaient été soigneusement nettoyés, avait été préparée à son intention. De même les lourds rideaux avaient été enlevés pour qu’il sache, pour qu’il soit prévenu et voit. Mais de quoi devait-il être prévenu ? Elle était à poil, certes, le choc, la surprise étaient violents, mais elle était morte et les morts sont pardonnés. Et puis les mœurs de notre époque permettaient cet exhibitionnisme bon enfant.
Il avait l'intention de partager ce qu’il y avait dans l'appartement en trois lots : Ce qu'il allait vendre, meubles et bibelots, ce qu'il allait conserver et ce qu'il allait jeter ou détruire. À première vue, il aurait volontiers laissé tout en l'état et confié l’ensemble à un brocanteur ou aux chiffonniers d'Emmaüs. Mais il ne pouvait imaginer un chiffonnier fouillant partout et collant ses étiquettes de prix sur les manteaux, les robes et les chaussures malgré qu’il lui répugnât d'avoir à le faire. Il aurait voulu conserver ce que sa mémoire avait retenu d'elle avant qu'elle ne meure, uniquement cela. Il ne pouvait pas non plus foutre le feu et s'en aller tranquillement. Il commença par la chambre de sa mère. Le premier tiroir d’une commode bordelaise qu'il ouvrit contenait des sous-vêtements. Il soupira, prêt à passer à autre chose. Il faut bien, se dit-il pourtant et puisque le sort en a décidé ainsi, alors allons-y. Il fut étonné de la qualité de la lingerie et de son aspect très provoquant et excitant. Les slips glissaient entre ses doigts et un parfum poivré, une émanation forte et femelle flottait au-dessus du tiroir. Il glissa, presque à regret, cette extraordinaire lingerie dans un sac poubelle. Elle aimait les vêtements et était élégante, mais sans ostentation, en institutrice consciente d'être observée et critiquée. Par contre ses chemises de nuit, comme ses dessous, étaient éblouissantes de fraîcheur et de délicatesse. Exactement conçues pour mettre en valeur un beau corps. Dans un tiroir d'un petit et élégant semainier marqueté il fit une autre découverte, encore plus surprenante. Plusieurs godemichés en plastique de tailles différentes dont le plus gros de dimension respectable y reposaient sur de vieux pull-overs. Même pas cachés mais bon, elle était célibataire et probablement sevrée d’amour. Des courroies de similicuir permettaient à une femme, ou à un homme, de s'en sangler les reins. Le plus petit avait la taille d'une verge d'adolescent, le plus gros était un pénis d'une trentaine de centimètres de long dont on ne pouvait faire le tour complet avec la main. Visiblement, ils avaient servi de nombreuses fois, il s'en aperçut en examinant les courroies. Peut-être les avait-elle achetés d’occasion ? Peut-être démarrait-elle une collection très originale ? Il eut un ricanement bref et sceptique.
L'estomac au bord des lèvres et tremblant comme s'il montait à l'échafaud, il fourra le tout dans une valise. Il n'était pourtant pas au bout de ses peines. Le tiroir suivant s'ouvrit sur tout un assortiment de vibromasseurs et de ces boules de buis que l'on s'introduit dans le vagin ou l’anus selon de vieilles recettes érotiques chinoise ou japonaise. Un coffret d'acier luisant attira son attention. En deux secondes il fit sauter le couvercle à l'aide d'un gros tournevis. Il contenait des photos prises au polaroïd, un appareil perfectionné à déclencheur automatique qu'elle s'était offerte alors qu'il faisait sa première communion. Dès cet instant, il préféra l'appeler par son prénom, Céline, plutôt que « maman » autant pour prendre de la distance devant ses découvertes que pour attribuer à une autre, à une Céline inconnue, les horreurs qu’il avait sous les yeux. Céline donc s'y trouvait photographiée en compagnie de nombre d'hommes qu'il avait jusqu'alors considérés comme d'innocents jeunes gens de son âge. Il avait entre les mains deux cents photos au moins. Sur les plus anodines elle pratiquait une fellation sur des membres virils, apparemment jamais les mêmes, et dans des postures des plus acrobatiques faites pour montrer les détails les plus cachés de son anatomie. Combien d'hommes ? Une trentaine, autant qu'il pouvait les compter car on ne voyait pas les visages sur toutes les photos, mais les pénis ont eux aussi des particularités qui font qu'aucun ne ressemble à un autre.
Il fit un effort sur lui-même pour réprimer sa répugnance et les étala soigneusement sur le lit. Certaines avaient été prises dans l'appartement, d'autres dehors, en plein air, notamment dans un verger qu'il reconnut comme étant celui de son oncle, à Melun. Elle y offrait ses fesses nues à la verge extraordinairement dilatée et puissamment virile de son cousin Louis, dont cette fois on voyait le visage. Lequel à cette époque n'avait guère plus de quinze ans. Il apparaissait une dizaine de fois sur les photos. Sous le cerisier du verger, il subissait une fellation, les mains sous la tête et les yeux révulsés ; dans la cabane à outil du jardin il la pénétrait en des poses excentriques mais efficaces. L'une en particulier, car la photo malgré le dispositif de déclenchement automatique avait dû être difficile à prendre, le montrait arrosant de sperme les fesses adorablement bombées, et tenues ouvertes par les deux mains crispées de Céline. Il fut frappé de voir combien elle prenait de plaisir à ces jeux, les poils autour de son sexe étaient plaqués de liquide vaginal.
Après le cousin, une série montrait le jeune voisin de palier dont ils avaient fait la connaissance pendant les vacances d'été à Saint-Palais sur mer. Le jeune homme devait avoir dix-sept ans et, il fit un rapide calcul, lui-même en avait douze. Il reconnaissait la chambre d'hôtel. Elle se faisait pénétrer. Son visage montrait les signes d'une volupté intense et finalement bouleversante et incendiaire pour un observateur étranger. On pouvait même penser, en voyant les clichés, qu'elle prenait autant de plaisir à se mettre en valeur qu’à faire l'amour. Ses seins, à peine plus gros que des poings, son sexe, un astrakan luxuriant aux lèvres saillantes qui paraissaient mordre et aspirer la verge lisse, et de marbre délicatement veiné, du jeune homme étaient le plus souvent en gros plan, comme si pour elle la photo dépassait, spiritualisait, l'acte. Il alla se servir un whisky bien tassé, sans eau ni glace qu'il but face à la fenêtre les yeux tournés vers les toits de la ville. Pour Céline, la photo remplaçait l'écriture. C’en avait été toujours ainsi, par exemple elle ne lui écrivait jamais de longues lettres, elle préférait lui envoyer une photographie, de paysage en général, ou une carte postale avec quelques mots, ou encore un tableau travaillé par ordinateur pour exprimer ce qu'elle avait à dire… Combien de jeunes hommes avait-elle poussés dans son lit ? Car elle les avait poussés, il n’en doutait pas. Elle les conquérait en usant de ce mélange de gentillesses maternelles et de féminité adolescente et gauche qui faisait son charme en société. Femme enfant ? Pas vraiment, plutôt femelle et pucelle en même temps.
Comme un sot, il n'avait jamais rien remarqué. N’ayant aucun soupçon il ne cherchait pas à savoir non plus. Certes, Céline prônait l'égalité des sexes et la liberté des mœurs, mais comme toutes les femmes, sans se référer à sa propre sexualité et sans faire montre de son goût prononcé pour les jeunes gens. Cet adolescent à Saint-Palais, elle l'avait invité dans sa chambre au prétexte de soigner les piqûres de moustiques dont ses jambes et ses bras étaient constellés. La mère du garçon, une matrone bavarde et sans attraits n'y avait vu que de la gentillesse. Il se souvint qu’il lui tenait compagnie sur la plage et qu'elle somnolait sur sa chaise longue pendant que Céline « soignait » son rejeton. Ils étaient venus les rejoindre plus tard. Dans leurs attitudes rien ne transparaissait de ce qui s'était passé entre eux, tout au plus le garçon se montrait-il avec elle exagérément poli et reconnaissant. Elle lui avait fait la leçon.
– Nous bavardions comme des amis, avait-elle simplement dit, désinvolte et gracieuse pour expliquer leur retard. Nous parlions de bande dessinée.
Les jeunes hommes que l'on voyait sur d'autres photographies étaient de jeunes profs stagiaires qui venaient partager leur repas du soir et qui restaient tard, soi-disant pour profiter des conseils et de l'expérience pédagogique de Céline. Belle pédagogie en effet. Peter les découvrait, nus évidemment, la besognant, se faisant caresser, la caressant, plongeant leur bouche entre ses cuisses minces et pâles, promenant leurs verges raides et gonflées sur son corps, sur sa bouche, ses lèvres entrouvertes... Souvent ils étaient plusieurs et elle en satisfaisait deux ou plus de la bouche et de la croupe. Quand il était en vacances chez elle, il dormait à deux pas. Il ne s'était jamais rendu compte de quelque chose. Peut-être en y réfléchissant, avait-il perçu, un soir exceptionnellement, des cris, des gémissements, des bruits qu'il croyait, dans son demi-sommeil venir de la télé. Mais en général elle ne recevait personne chez elle pendant les vacances. Il n'avait jamais eu non plus de curiosité particulière pour les sous-vêtements et la chambre de Céline. Pas de complexe d'Œdipe visible. Les photos défilaient entre ses mains. Sur l'une, elle suçait deux hommes en même temps coinçant les sexes dans sa bouche qu'elle avait pourtant tout à fait normale. Sur d'autre l'un la sodomisait l'autre l'enfilait en levrette. Qui proposait ces poses, elle ou eux ? Probablement elle, vu l'âge et le peu d'expérience de ses partenaires. Il reposa les photos. Une érection démesurée l’avait pris de court, le sang cognait à ses tempes et dans son ventre comme une pulsation de guitare basse. Il ouvrit sa braguette et eut à peine le temps de faire trois allers retours. Il arrosa la moquette d'un jet blanchâtre aussi puissant qu'une giclée d'urine. Il s'essuya à une jupe de coton beige posée sur une chaise et décida d'aller faire un tour pour calmer ses nerfs.
Il marcha vers le port d'un pas songeur. Les photos ne représentaient qu'une petite partie de la vie de Céline, disons entre ses trente et quarante ans, mais ensuite, s'était-elle calmée ? La réponse fulgura dans son esprit et le laissa pantois. Certainement pas. Elle s'était achetée l'un des premiers caméscopes mis sur le marché. Puis, deux ans plus tard, l'avait revendu pour en prendre un plus moderne. Où étaient les bandes vidéo ? Il se surprit à être alléché par la découverte à venir de ces bandes. Bon sang, quelle toison elle avait, une perruque frisée brun roux de la largeur d'une main. Il revit son sexe écartelé par les mains d'un inconnu, la chair foncée comme une tranche de foie, les petites lèvres exagérément gonflées qui semblaient palpiter comme la corolle sombre d'une fleur carnivore. Il avala sa salive. Voici que de nouveau il bandait doucement en marchant. Finalement, il comprenait Céline. Divorcée de trop bonne heure, vers vingt-cinq ans, elle avait des besoins d'amour comme n'importe quelle femme et les assouvissait avec des jeunes gens qui se laissaient manœuvrer comme des jouets. Il pensa à Mandingo, un livre qui relatait les ébats amoureux d'une jeune maîtresse blanche avec ses esclaves noirs, des jouets eux aussi, cela se passait en Virginie au début du 19ème siècle. Un livre qui avait longtemps été le livre de chevet de sa mère et qu'il avait découvert un peu par hasard sur son bureau. Puis dans les mains de Louis, son cousin de Melun. Ce dernier la regardait comme on regarde un être extraordinaire, sacré ; une véritable extase mystique brillait dans son regard ! « Il est amoureux de toi » disait sa mère, Céline riait et tapotait la joue du benêt. Et Louis devenait plus rouge qu’un coquelicot. Ouais ! Du beau boulot mené par des experts en cachotteries. Aujourd'hui le cousin Louis est père de famille.
à suivre 2ème page,