En ce temps, Noël sentait la mandarine le feu de bois, la viande chaude. On allait chez la charcutière pour lorgner le cochon dans la vitrine qui riait sur un lit de lard et de choux vert devant nos ventres creux et nos trognes rougeaudes.
En ce temps, Noël sentait la mandarine que nous recevions en étrennes avec cent grammes de chocolat. Il y avait un sapin dans la cuisine maman chantait l'Ave Maria et papa se soulait au gros vin de caserne.
En ce temps, Noël sentait la mandarine que l'on trouvait sur la cheminée. Dans la glace de l'aube on sautait de nos lits sous le regard rusé d'un portrait de Staline on oubliait alors nos pouilleries heureux, une fois, dans une année.
En ce temps, Noël sentait la mandarine et demain était bien comme hier. Nul n'espérait ici de visiteurs bonnes âmes, ministres et speakerines. C'était dans une sale cité ouvrière, bien avant les industries du cœur.
Tant de ces femmes ont pleuré ainsi au bord d'un lit désert : Mon compagnon, ma fleur, mon choix d'un jour seul et d'une seule fois perdu dans la seconde d'un seul instant de guerre et je me vois ici encore jeune épousée sans tes bras, sans tes mains, sans ventre consolé.
Et d'autres aujourd'hui vieilles que rien ne peut surprendre qui écoutent quand même, la main devenue tendre : N'est-ce pas lui qui vient ? C'est son pas tout pareil ! Mais on ne revient pas d'entre les morts même si vos silences appellent encore plus fort.
Voici la fille qui dansait autour d'eux comme une libellule autour de l'asphodèle rien n'est plus gai que la fleur des tombeaux et la gaîté est la bonne part des jeunes filles.
Alors que reviennent les chansons et les jeux que le ciel s'ouvre aux hirondelles que le désir s'allume dans les pupilles et que l'oubli soit dans tous les Sarajevo !